– Pour le bilan co2, le bois énergie à la place des fossiles serait un remède pire que le mal, même avec une gestion durable des forêts.
Le bois est à la base plus émetteur de co2 que le charbon. Il est chimiquement moins dense en énergie, donc émet plus de co2 à énergie produite égale.
Ce ne sont que des hypothèses de calcul qui le disent peu émetteur de co2, et elles sont très contestables :
– Des scientifiques de renom dénoncent purement et simplement ces hypothèses (1) ;
– Ces hypothèses de calcul appellent des temps de retour et, excepté celles à temps de retour très court qui sont très facilement réfutables (2), les plus élaborées comme celle de l’Ademe ont des temps de retour de plusieurs décennies donc sont de toutes façons incompatibles avec les exigences de l’urgence climatique.
– Ne perdons pas de vue dans ces débats que ces hypothèses de calcul font passer le combustible le plus polluant pour le plus vertueux : climat et forêt en sont l’enjeu. On a appliqué le principe de précaution pour moins que ça !
la version didactique en vidéo ici (7 min 30)
– Il est très réducteur de considérer l’arbre comme un simple stockage de co2 qui repousse : son rôle sur le climat va bien au delà.
voici deux exemples :
– l’arbre, en transpirant, régule sa température par temps chaud. C’est, en quelque sorte, un climatiseur. Comment imaginer refroidir le climat en coupant un climatiseur ?
– l’arbre et la forêt ont un rôle très complexe sur le cycle de l’eau. Par exemple, on sait aujourd’hui que la forêt sait contribuer à fabriquer des nuages, ce qui lui amène la pluie. Comment imaginer refroidir le climat en coupant des machines à nuages ?
Le co2 émis par la combustion du bois n’est pas comptabilisé, alors qu’en toute sagesse il devrait être comptabilisé plusieurs fois pour tenir compte de tous ces rôles de l’arbre sur le climat !
– Du bois il n’y en aura pas assez pour tout le monde, surtout si on fait de l’électricité avec.
La récente étude ADEME fait état d’une marge de progression « raisonnable » de 20 Mm³/an (Millions de m³ de bois par an) pour la récolte de la forêt française (3), ce qui pourrait être atteint dans une quinzaine d’années.
N’oublions pas de mettre en parallèle les besoins des usages potentiels de la forêt (4), puisque l’on envisage de remplacer une bonne part des fossiles par du bois :
– pour remplacer le béton par du bois dans la construction : 55 Mm³/an ;
– pour convertir la totalité de nos chauffages au bois : 130 Mm³/an ;
– pour fabriquer toute notre électricité avec du bois : 520 Mm³/an .
La situation pourrait se résumer ainsi : trois ogres, affamés, manifestent de l’appétit pour le panier du petit chaperon rouge. Combien de chances le petit chaperon rouge a t-il de ne pas être dévoré une fois le panier terminé ?
( 2min 30 en vidéo pour expliquer et visualiser le décalage ici)
– La sylviculture évolue vers une industrialisation très dommageable :
L’augmentation rapide des prélèvements de bois passe par la mécanisation de la récolte, notamment avec des abatteuses. Ces grosses machines à 500 000 euros ont besoin de place… et de rentabilité. Donc le plus souvent elles coupent tout.
Ces coupes rases ont de déplorables conséquences environnementales : (5)
– destruction de la biodiversité ;
– suppression du couvert végétal + matraquage du sol = érosion importante, appauvrissement du sol et libération du co2 du sol ;
– aggravation des inondations par la suppression du rôle régulateur de la végétation sur l’absorption des précipitations par le sol.
– le bois énergie n’est pas une fatalité de l’exploitation pour le bois d’œuvre :
Le bois énergie est prétendu « valoriser » les parties de l’arbre non exploitables pour le bois d’œuvre. En fait l’industrie est capable, en théorie, de valoriser la plupart de ces sous produits avec des produits aux propriétés remarquables : lamellé collé, OSB, laine de bois. La plupart des maisons à ossature bois utilisent ces matériaux aujourd’hui : comment peut on les ignorer ?
Ces dérivés offrent au bois une utilisation bien plus avantageuse que l’énergie par rapport aux émissions de co2 : non seulement ils ne libèrent pas le carbone qu’ils ont lentement stocké (contrairement au bois que l’on brûle, qui libère illico ce carbone sous forme de co2 atmosphérique) mais en plus, utilisés à la place des matériaux de construction classiques qui sont très émetteurs de co2 pour leur fabrication, ils permettent de faire de sensibles économies de co2.
Aujourd’hui il devient officiel que le bois d’énergie cannibalise le bois d’industrie (6) puisque la demande des dérivés du bois se développe moins vite que celle du bois d’énergie.
– Si le bois énergie n’est ni écologique, ni abondant, la conversion au bois n’est pas une solution,
Ni pour le chauffage :
Les chaudières à bois revendiquent un haut rendement qui nous ferait presque oublier que ce n’est qu’un élément secondaire dans la consommation de chauffage. Le premier, et de loin, c’est l’isolation. Le deuxième, à moins qu’il ne soit premier ex-æquo, c’est la captation des rayons du soleil. Et si on a bien soigné les deux, une habitation peut être très agréable à vivre avec un chauffage anecdotique. Et même jusqu’à s’en passer complètement (de chauffage, pas d’habitation)
Ni pour fabriquer de l’électricité (et encore moins !) :
En plus d’utiliser un combustible polluant, la production d’électricité avec du bois se fait avec une énorme consommation d’énergie, même avec cogénération (7). Les panneaux solaires et les éoliennes, contrairement aux idées reçues, sont incomparablement plus performants : moins polluants, moins consommateurs d’énergie et de ressources !
– Nous n’échapperons pas à la case « réduction des besoins » : autant commencer par elle !
La réponse incontournable aux problèmes énergétiques reste la réduction individuelle des besoins : isolation, habitat bioclimatique, chauffe eau solaire, appareils performants.
Ne serait-il pas plus judicieux d’utiliser le bois comme isolant plutôt que comme combustible de chauffage ?
notes :
(1) – lettre cosignée par 61 scientifiques américains pour demander au gouvernement britannique d’arrêter l’importation de bois énergie nord-américain, l’usage de ce combustible étant argumenté par une neutralité carbone qui n’a pas lieu d’être : http://www.perspectivesecologiques.com/telechargements/SOS%20FORET%20MONDE%20American%20Scientists%20to%20UK%20Energy%20Minister%2024%20April%202014.pdf
– Rapports de différents groupements de défense de la forêt, recensant plusieurs rapports scientifiques, qui dénoncent unanimement la neutralité carbone :
http://globalforestcoalition.org/wp-content/uploads/2015/12/bioenergy-report1.pdf
http://www.greenpeace.org/canada/Global/canada/report/2011/10/Biomascarade%20Greenpeace.PDF
http://www.biofuelwatch.org.uk/2013/biomass-faq-2/#C6
http://www.maforests.org/Chris-Matera-Biomass%20Carbon%20Emissions.pdf
(2) Les calculs à temps de retour très courts considèrent que la séquestration de co2 de la croissance globale de tous les arbres est dédiée à la compensation des émissions de ceux qui ont brûlé. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Contenu_CO2#.C3.89missions_directes_en_CO2_des_combustibles)
Cela n’est en aucun cas possible, puisque dans les faits les arbres ne peuvent pas choisir l’origine du co2 qu’ils absorbent, ils n’absorbent pas uniquement les émissions des arbres qui ont brûlé mais une partie du co2 global.
D’ailleurs c’est dans le prolongement de cette logique que l’ensemble des hypothèses de calcul est contestée : la forêt pousse qu’on la coupe ou non, qu’on la brûle ou non. Non seulement la forêt n’absorbe pas spécifiquement le co2 des arbres qui ont brûlé, mais en plus elle absorbe d’une façon indépendante de l’usage qu’on en fait. C’est un puits de carbone indépendant, c’est un puits de carbone comme les autres, et chaque puits de carbone « compense » ce qu’il peut des émissions globales. Et pas uniquement telle ou telle émission.
Ainsi en toute rigueur scientifique on ne devrait pas affecter quoi que ce soit à la compensation des émissions du bois qui a brûlé.
chiffre extrait du tableau 10 page 60, et de la conclusion.
Cette étude estime qu’il y a 70 Mm³/an exploitables à l’horizon 2035. Nous en prélevons déjà 50 Mm³/an, soit 70 %, et donc restent 20 Mm³/an de marge de progression. Ce qui correspond par ailleurs au volume de nos importations de bois : notre belle forêt assumerait à peine notre indépendance à nos besoins actuels en bois.
En décryptant cette étude, sur la dynamique actuelle dans 15 ans nous prélèverons le double de ce que la forêt française peut offrir en bois d’énergie, tout en ayant cannibalisé la part de bois d’industrie.
(4) calcul des besoins théoriques de bois correspondant à notre consommation totale :
– pour remplacer le béton par du bois dans la construction :
selon les statistiques de l’industrie cimentière (http://www.infociments.fr/publications/industrie-cimentiere/statistiques/st-g08-2015)
la consommation annuelle de ciment est de 300 kg par français en 2015. Le béton étant couramment dosé à 350 Kg de ciment par m³, chacun de nous consomme donc l’équivalent de 1/350 * 300 = 0,85 m³ de béton par an. Soit, pour 65 millions de français, 0,85 * 65 = 55 millions de m³ de béton/an. En considérant que 1 m³ de bois peut remplacer 1 m³ de béton (techniquement on doit même pouvoir mettre moins de bois que ce que l’on met de béton), il faudrait donc environ 55 Mm³ de bois par an pour tout construire en bois. Estimation sans prétention scientifique, c’est un ordre de grandeur. N’oublions pas aussi que pour avoir 1 m³ de bois d’œuvre traditionnel, il faut récolter 2 à 3 m³ de bois.
– pour convertir tous nos chauffages au bois :
http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/energie-climat/r/consommations-secteur-residentiel-tertiaire.html?tx_ttnews%5Btt_news%5D=21063&cHash=9f0e986e0a2dd7b05e0cfb6e782ac795
puis « les consommations finales d’énergie du secteur résidentiel et tertiaire par usage en 2009 » : le chauffage représente 39,2 millions de TEP.
pour connaître l’énergie du bois, il faut connaître la densité : 0,55 pour du bois sec à 0%(https://fr.wikipedia.org/wiki/Masse_volumique#Bois
1 m³ de bois c’est donc 550 Kg de bois sec.
Ce bois sec a un pouvoir calorifique de 5 kWh/kg.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bois_%C3%A9nergie#Pouvoir_calorifique
et chaque m³, pesant 550 Kg, contient donc une énergie de : 550 * 5 = 2750 kWh, ou encore 2,75 MWh (mégawattheures)
avec 1 TEP = 11,630 MWh, chaque m³ de bois contient 2,75/11,63 = 0,24 TEP.
39,2 millions de TEP par an / 0,24 TEP par m³ de bois = 163 Mm³ de bois par an.
Nous utilisions, en 2012, 33 Mm³ de bois par an pour le chauffage (http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/90037_rapport-etude-chauffage-domestique-bois.pdf page 39 )
donc 130 Mm³/an « suffiraient » pour finir la conversion. (163 Mm³- 33 Mm³)
– pour produire toute notre électricité avec du bois :
la consommation d’électricité en France en 2015 c’est 480 TWh, selon RTE. http://www.rte-france.com/sites/default/files/presentation_des_seef_2015.pdf
le rendement des centrales thermiques est d’environ 33 % : http://www.negawatt.org/telechargement/PointeElec/nW%20Pointe%20elec%20Presentation%20011209.pdf
ce qui veut dire qu’il faut 1/0,33 = 3 fois plus d’énergie primaire pour avoir ces 480 TWh (térawattheures) soit 480 * 3 = 1440 TWh. Ou encore 1440 Millions de MWh.
l’énergie du bois, c’est 2,75 MWh/m³, comme vu plus haut.
Et donc il faudrait 1440 Millions de MWh/ 2,750 MWh par m³ = 523 Millions de m³ de bois pour notre production annuelle d’électricité.
Et c’est une hypothèse basse : le bois étant un combustible moins performant que les fossiles, le rendement d’une centrale à biomasse est inférieur. De plus il faudrait rajouter environ 15 % d’énergie pour le séchage du bois.
(5) conséquences des coupes rases, Rapport environnemental stratégique du PNFB :
page 32, suite à coupes rases, érosion et pollution du sol contribuent à la pollution des nappes souterraines ;
page 37 : les coupes rases contribuent à modifier et à appauvrir la composition des sols, le tassement des sols par les machines lourdes détruit l’écosystème du sol, la collecte des rémanents (petites branches) contribue aussi à l’appauvrissement des sols.
Page 47, la forêt prévient l’érosion et le lessivage, joue un rôle de ralentisseur pour le vent et la désertification ;
page 49, une mauvaise gestion de la forêt limite son rôle de régulateur des ruissellements ;
page 53, l’altération de la forêt amoindrit son rôle de protection vis à vis des nuisances (bruit, pollutions) et joue un rôle dans l’émergence de maladies infectieuses.
(6) voir article de la revue Forestopic : http://www.forestopic.com/index.php?option=com_content&view=article&id=462:strategie-biomasse-hierarchisation-articulation-usages-bois&catid=119:bois-energie&Itemid=276&lang=fr
Le bois d’industrie est aussi capable de cannibaliser le bois d’œuvre traditionnel, dérive aujourd’hui notoire avec le bois d’énergie. À tout prendre, le bois d’industrie offre quand même à ce bois d’œuvre détourné un usage à long terme et bien moins émetteur de co2 que le bois énergie.
(7) voir article « le juste rendement » sur ce même site.