Mais pourquoi s’évertuer à pencher ?

Après tout, on sait très bien se protéger avec quatre bonnes vieilles roues. Pourquoi se compliquer alors ?

Pour bien comprendre je vais devoir prendre le problème à sa racine, qui pourrait bien s’appeler force centrifuge, celle là même qui a des velléités de nous envoyer valser vers l’extérieur des virages. Contre elle, à chacun son remède :

Un deux roues la contrebalance en penchant dans les virages, ce que font spontanément les animaux qui courent et les oiseaux qui volent.

Un quatre roues lutte contre le renversement en écartant ses roues.

Il n’est pas nécessaire de pencher pour faire un véhicule sobre. D’ailleurs dans les compétitions de moindre consommation les champions ne penchent pas.

Par contre, dans la vie de tous les jours, notre force centrifuge nous donne trois bonnes raisons de le faire.

– Un pendulaire peut être à la fois haut et étroit. Sans pencher il est impossible de conjuguer les deux, sous peine de craindre la renverse en virage. C’est un atout incontestable en ville, mais aussi sur la route : la mobilité intermédiaire étant moins rapide que les voitures, l’étroitesse limite les soucis de cohabitation.

– Avoir des suspensions souples sur un véhicule qui ne penche pas engendre un désagréable roulis dans les virages. En penchant, il est possible d’avoir des suspensions très souples et à grand débattement sans effet secondaire indésirable.

– La force centrifuge attire aussi le corps humain vers l’extérieur des virages, ce qui amène un inconfort. Pencher dans les virages supprime cet inconfort et même à l’inverse, en fait un plaisir. Prendre de l’angle, comme disent les férus de moto avec l’œil qui pétille.

Si je résume : Pencher dans les virages est une solution pour une mobilité intermédiaire encore plus agile, plus confortable et, cerise sur le gâteau, beaucoup plus plaisante.

Et il y a mieux, ou pire, c’est selon. La mobilité intermédiaire est incongrue sur les grands axes routiers et doit s’accommoder des routes secondaires. Ces routes sont souvent sinueuses, parfois au revêtement dégradé, truffées de ralentisseurs de voitures à la forme de dos d’ânes ou de rond-points. C’est à priori un handicap. Pencher dans les virages est une solution providentielle qui permet mieux que de s’adapter à ces routes : c’est de les transformer en plaisir.

Mais voilà, et vous m’avez vu venir avec mes gros sabots : il y a un hic. Les pendulaires sont soumis aux cruelles lois de l’équilibre. Ils demandent un apprentissage qui peut être rebutant, génèrent des appréhensions à la conduite et sont sensibles au vent latéral. Ce dernier point étant celui qui leur interdit la douillette protection hermétique des voitures.

Alors aujourd’hui la quête prioritaire du confort fait pencher invariablement la balance du côté des lourds quatre roues, malgré leurs inconvénients intrinsèques.

Nous y voilà enfin : c’est pourquoi il est important de pouvoir gérer l’équilibre d’un pendulaire autrement qu’avec le seul guidon ou en posant les pieds au sol. Vous avez compris qu’il ne s’agit pas seulement d’éviter le désagrément de s’affaler par terre, mais aussi et surtout c’est pouvoir rouler sur un pendulaire sans se soucier de la météo. Donc d’enlever les freins au développement des véhicules pendulaires, qui eux mêmes enlèveraient des freins au développement de la mobilité intermédiaire.

Rien que ça.

Bon, je sais, j’ai tendance à rêver un peu.